mercredi

Le Saule (Trois Couleurs, été 2016)


« Le Saule est l’arbre le plus identifiable qui soit, tout comme la chanson est la forme musicale la plus reconnaissable entre toutes. De l’arbre inconsolable nous ne gardons qu’un petit bout de bois tendre pour faire un sifflet comme le  faisaient les enfants autrefois.». Ce petit appeau fédérateur qu’évoque le musicien Jean-Daniel Botta pourrait bien être une des clés du Saule, label et boisée oisellerie de chanteurs voyageurs, qui glane un public grandissant dans les marges de la chanson d’ici. Car ce qui réunit Léonore Boulanger, June & Jim, Borja Flames, Antoine Loyer, Philippe Crab ou Aurélien Merle, c’est peut-être cette façon de ne prendre d’un grand arbre (une chanson folk francophone et lettrée, d’Areski & Fontaine à Dick Annegarn, ou plus près de nous, Arlt ou Bertrand Belin) que l’essentiel, ou peu de mots, quitte à bégayer sa langue natale et à s’en inventer une propre, mineure mais pas moins précieuse, dans celle commune, majeure, maternelle. 

« Produire, c’est réduire » dit Léonore Boulanger, qui sort cet été Feigen feigen, collection de chansons joueuses et joyeuses, devinettes, énigmes, histoires à compléter ou à colorier, où l’essentiel se cache parfois dans des silences mallarméens, ou des bégaiements troublés. Dans bégayer, il y a égayer, et ces « exercices de joie » sont aussi logiciens et merveilleux que les miniatures précises et virtuoses de son alter-ego d’écriture, Jean-Daniel Botta (Dévotion pour la petite chameau), ou que la traversée du miroir de Philippe Crab dans Fructidor, mise abyme, sur tout un album, « d’un souvenir très banal et très précieux, un mercredi après-midi entre adolescents, du côté de Carnon-Plage, en juin 1994 ». Soit Marcel Proust, Virginia Woolf ou Lewis Carroll épiphanisant Frank Zappa, Ornette Coleman et Robert Wyatt, chantés en « idiolectes » aussi savants que débridés (mariant français, allemand, anglais, espagnol, occitan). Car le Saule est babélien, et on citera comme dernier fruit Jo Estava Que M'Abrasava, chants traditionnels de Minorque et Majorque, collaboration entre Marion Cousin (June & Jim) et le violoncelliste Gaspar Claus, en catalan tournoyant, ondes profondes, et sans doute langue des oiseaux.

Article paru dans Trois Couleurs #143 (été 2016), à retrouver ici

A lire également sur The Drone, cette interview de Philippe Crab

http://lesaule.fr/
http://souterraine.biz/album/fructidor-mostla-del-mashuke
 

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