dimanche

Chaud dedans


Woo - it's cosy inside (Drag City) Cette obscure pépite de l’année 1989 est un des nombreux albums de Mark et Clive Ives, frangins anglais qui se sont spécialisés, comme l’annonce leur site web, dans l’« Indie Electronic New Age music for meditation, relaxation, healing, yoga & shiatsu ». Musique d’intérieur ou de papier-peint, ces instrumentaux emmitouflés dans les effets électroniques sonnent moins Nature et découverte que krautrock ralenti et aquatique (Neu !, Ashra Tempel, Cluster) ou musique d’illustration planante (The Focus Group ou The Books en héritiers). Vaporeux et joyeux, doucement baladeurs, les imprévisibles fade-in-fade-out de Woo font glisser dans un sommeil réparateur, la musique comme un baume.

Article paru dans Chronic'art #79
On Mutant Sounds 
On Drag City 

samedi


















Tiziano Scarpa

Le chant de l'oiseau est irresponsable


























Les Dirty Projectors font partie, aux côtés de Sufjan Stevens, Animal Collective ou Deerhoof, de ces groupes qui rénovent le rock américain, en virtuoses déconstructions et reconstructions, autant respectueuses de la tradition que soucieuses d’inventer de nouvelles formes. Portrait.

Menés par le chanteur, compositeur et diplômé de Yale David Longstreth, les Dirty Projectors de New York ont marié indie-rock et musique de chambre (The Getty Address, 2005), hardcore et guitares d’Afrique de l’ouest (Rise Above, 2007), et exploré les complexes techniques vocales contrapuntiques au service d’emphatiques pop songs (Bitte Orca , 2009). Le groupe a aussi collaboré avec The Roots, David Byrne et Björk.  Entourées par une section rythmique très soul, et deux musiciennes-choristes angéliques, les acrobaties guitaristiques de Dave Longstreth empruntent autant à Ali Farka Touré qu’à Jimmy Page, et sa voix monte en falsetto à hauteur de Tim Buckley, et sur les traces sinueuses de Mayo Thompson (Red Crayola).  Intellectuelle et formaliste, mais aussi physique et émotionnelle, la musique des Dirty Projectors gagne en pureté et en grâce avec Swing Lo Magellan, nouvel album qui fait la part belle aux chansons, en toute simplicité, comme le confirme Longstreth : « Mes chansons jouent souvent avec l’idée de dialectique, la réunion de deux pôles antagonistes de laquelle émerge un troisième terme, qui fait passer le tout à un niveau supérieur. Cependant, cet album est moins synthétique et cérébral, que venant directement du cœur. Je l’ai composé de la manière la plus spontanée possible. »

Body & Mind

Moins math-rock que gospel-folk, ces douze chansons concentrent  les qualités d’écriture de Longstreth, déclarations d’amour (Impregnable Question), complaintes suicidaires (The Gun has no trigger), hymnes explosives (Offspring Are Blank,  Unto Caesar), se concluant sur une sublime balade lennonienne, Irresponsible Tune, où le chant d’un oiseau, « irresponsable », semble répondre aux questions qui hantent le disque : « L’album parle des choix que l’on fait dans la vie : quelles sont les conséquences de vos actions ? Mais je ne me sens pas meilleur que les gens à qui je pose cette question. Je me la pose aussi à moi-même. » On croit en entendre la réponse au milieu de Dance for you, quand, après un couplet, une envolée de cordes survient comme une épiphanie mystique sur le dancefloor, « dans la langue de Gyptian et Ligeti », suggère Longstreth. « Oui, la réponse est peut-être dans la résolution de cet étrange accord. Mais peut-être aussi que ce passage orchestral n’est qu’une distraction à cette question qui revient sans cesse. Parfois, il faut regarder ailleurs, pour résoudre un problème. Mais ce n’est pas prescriptif,  c’est de la musique. ».

Dirty Projectors - Swing Lo Magellan (Domino)

Article paru dans 3 Couleurs #104


"Hi Custodian", a Dirty Projectors film by David Longstreth, featuring music from the band's new album Swing Lo Magellan.